Les vicissitudes de la fonction publique camerounaise et la nécessité de renforcer les prestations de la gouvernance publique

La lutte anti-corruption en Afrique, arme à double tranchant

Les prestations du secteur public vis-à-vis des citoyens et contribuables sont un outil fort qui permet à certains égards de forger et renforcer ou alors de détériorer durablement la croyance en les institutions et par extension le sentiment patriotique. L’observation rigoureuse de la fonction publique camerounaise de nos jours ne projette et ne reflète rien de rassurant et de fédérateur.  

Un état des lieux pitoyable

Nous avons tous été un jour confronté à la nécessité de nous rendre dans un service public pour solliciter une prestation. Il y a une convergence certaine et bien connue sur le fait que les services publics camerounais ne sont pas des endroits qui affichent fier visage et où on s’y rend affichant un sourire béat. En effet, quand on s’apprête à se rendre dans un service public au Cameroun, il y a une flopée de préoccupations qui turlupine les méninges. On se demande si on serait bien reçu, si les agents d’accueil seraient courtois, conciliants, dévoués et peu méprisants, si on pourra être servi dans les temps sans que des conditions occultes ne nous soient exigées, si on en sortira ruiné ou pas, si, si, si… C’est donc un visage rustre qui ne présente pas fière allure et qui contribue progressivement à éloigner l’Administration des administrés alors même qu’aujourd’hui la question de la synergie des forces s’impose. La corruption endémique s’érige de plus en plus comme étant le pendant le plus tranchant et dévastateur de cette mal gouvernance. 

La corruption endémique dicte sa loi

Les lois contre la corruption et la mal gouvernance sont florès au Cameroun de même que les discours pieux. Toutefois, il n’y a que par une volonté réelle, des pratiques coercitives et dissuasives solidement ancrées qu’on parviendra à endiguer et à éradiquer ces grands maux de la gouvernance moderne. En l’état actuel il n’y a pas à notre sens de véritables outils locaux qui permettent de barrer la voie à la corruption. Plus qu’un mal la corruption est devenue une culture et un outil de gouvernance dans les pratiques quotidiennes. Il s’agit d’un système de rente et de rançonnage bien ficelé dans les différentes Administrations et dont la chaine va du bas au sommet de l’Administration. C’est donc une organisation intelligente, savante et mafieuse qui mérite une réponse brutale. Dans ce cercle vicieux le citoyen se sent souvent pris au piège et abandonné à lui-même ne sachant trop que faire, entre la nécessité d’obtenir le service parfois urgent et celle de se rebeller sans moyen et sans issue. Il faut donc absolument offrir aux citoyens un panel, des outils probants et accessibles de dénonciation de la corruption et des abus multiformes des services publics car l’impression qu’on a au quotidien est qu’il n’y a pas une réelle volonté de tordre le cou à ce fléau. On pourrait par exemple créer dans toutes les Administrations publiques un bureau de dénonciation anti-corruption où les citoyens pourraient directement se rendre lorsqu’ils ont l’impression que les agents publics d’une quelconque Administration essaient de les abuser. Tout ce passe effectivement comme si l’Etat avait cessé de payer les salaires de ses agents, dans les services publics on est comme englué dans une jungle, une ruée où il faut faire fortune rapidement. Ils vous font payer chèrement pour des services qui relèvent de leurs tâches régaliennes ou quotidiennes pourtant rémunérées par l’Etat. Le cliché est presque mesquin, il faut les voir en train de se débattre et de faire du trafic d’influence pour exiger des paiements indus qui au final ne vous donne droit à aucun reçu et n’entre dans aucune caisse de l’Etat pour le croire. Le crédo est simple « vous ne payé pas ce qu’ils vous demandent votre dossier ne prospère pas ». Outre un bureau local décentralisé de dénonciation on pourrait développer un système de communication par l’affichage sous fond de matraquage exposé à divers endroits dans les services publics. Le message sur les affiches pourrait être du genre « Tous les services ici sont gratuits, ne payez aucune somme. En cas de problème appelez le numéro court suivant pour dénoncez ou pour des renseignements utiles ». Ce type de centrale de dénonciation locale et de communication dissuasive aura à notre avis un impact certain et mesurable qui contribuera non seulement à redorer le blason d’une Administration devenue bourreau des citoyens mais aussi et surtout il y a cette urgence de renforcer les prestations du secteur public pour réduire une certaine fracture sociale et s’arrimer en même temps aux normes d’une gouvernance de développement. 

Enjeu et urgence de renforcer les prestations du secteur public camerounais

Le développement du Cameroun ou encore les projections de l’émergence en 2035 ne se fera pas que par le concours du secteur privé. Le secteur public est interpellé au premier chef dans les dynamiques de croissances et de développement. Au-delà des lois d’incitation et de la facilitation des dynamiques de création de richesse ou de valeur, il y a l’appropriation et l’application par les agents locaux qui est aussi une variable cruciale. De ce point de vue, les agents du secteur public sont les premiers et principaux ambassadeurs du développement qu’ils doivent impulser de par la qualité de leur prestation quotidienne. La qualité des prestations des services publics est donc une vitrine et un indicateur sur laquelle bon nombre d’investisseurs s’appuient pour prendre leurs décisions d’investissement dans un espace économique donné. L’amélioration continue des prestations de ces services apparait donc comme un enjeu primordial. 
Pour ce faire, il est important de former les agents aux valeurs républicaines et patriotiques, de renforcer leurs compétences en capacité d’accueil et à la morale publique, d’évaluer la performance des agents à travers les perceptions et appréciations des usagers, de sanctionner sévèrement les actes d’indélicatesse et de corruption, et enfin de remettre le citoyen-contribuable au cœur de la gouvernance publique.

Si l'injustice et la corruption ne gangrenaient pas les sociétés africaines, l'Afrique serait le continent le plus puissant.

-Baptiste Gbamon Zebelamo