Les Nations Unies 75 ans après: enjeux, bilans et perspectives

10 Octobre 2020

Photo ONU

Les Nations Unies 75 ans après: enjeux, bilans et perspectives

Je cherche à avoir une place sous le soleil pour que nos nouvelles générations vivent en paix loin de la répression, du terrorisme, de la vie humaine librement dans ce monde libre. C'est ce que je recherche. Je ne demande pas la lune. Je demande que la légalité des Nations Unies soit mise en oeuvre.

La première guerre mondiale (1914-1918) fît des millions de morts et aboutit en apothéose, à la création de la Société Des Nations (SDN) comme outil de régulation d’une paix durable. Mais la paix tant voulue et tant espérée ne fût pas si longue que ça, et quelques années plus tard, le monde sombrait à nouveau dans une folie meurtrière : la folie du capitalisme, de la science et de l’hégémonie. La guerre éclata une fois de plus (1939-1945), avec plus de sang, plus de brutalité, plus d’atrocité, plus d’horreur, plus de vies innocentes arrachées précocement, etc. On a coutume de dire qu’on sait quand une guerre éclate, mais nul ne sait quand l’accalmie réapparaitra. La certitude qui demeure néanmoins constante est que, toute guerre s’achève autour d’une table, par des pourparlers, des négociations, des consensus. Mais au prix de quoi et pourquoi va-t-on en première instance à la guerre ? Pourquoi ne privilégie-t-on pas tôt l’option de la discussion et de la concorde ? Pourquoi n'accorde-t-on pas la priorité aux vies humaines ? Celles de nombreuses femmes et enfants qui y passent, celles des hommes et des pères qui s’en vont perdre leur humanité et périr à mille lieux des leurs.

De la SDN à l’ONU passant par la seconde guerre

Ainsi, à la fin de cette autre honteuse guerre, la SDN incompétente céda la place en 1945 à ce qu’on appela alors Organisation Des Nations Unies (ONU) qui avait pour impérieuse et impérative mission de réussir là où son prédécesseur avait lamentablement échoué. Les missions fondamentales et primordiales de ce nouveau gendarme et tensiomètre du monde étaient notamment d’assurer et maintenir la paix et la sécurité internationale et aussi, d’encourager la coopération pour le progrès économique et social de tous les peuples.

De 1945 à 2020, soixante-quinze années ce sont écoulées. Un âge bien avancé dira-t-on, le troisième âge, l’âge de la sagesse et de l’expérience. L’ONU à assurément parcourue un grand chemin qu’on peut apprécier et féliciter, c’est le moins qu’on puisse dire. Et, on peut aussi dire à l’observation historique qu’elle aura été plus performante au vue de la relative paix et d’une certaine stabilité que connait le monde depuis toutes ces décennies. Les terrains d’interventions et les initiatives de l’ONU aux quatre coins du monde sont nombreux. Toutefois, il faut dire que l’ONU, telle qu’elle se déploie aujourd’hui, présente bon nombre de limites et aussi, elle fait face à des défis nouveaux auxquelles elle doit s’arrimer pour répondre aux évolutions et aux nouvelles attentes des peuples.

Un bref bilan de l’ONU

Une année de plus dans la vie d’une organisation ou des personnes est très souvent une occasion idoine de se remettre en cause, de s’interroger, de dresser un bilan et de prendre des résolutions pour rectifier ce qui a été mal fait. L’ONU fête ses soixante-quinze ans cette année dans un contexte où la sécurité à l’échelle internationale est fortement ébranlée par la crise de la Covid-19 qui sévit depuis novembre-décembre 2019. Dresser un bilan exhaustif des activités de l’ONU en faveur des États ou des peuples serait un exercice fastidieux. Toutefois, bien que ses soixante-quinze ans d’existence présentent pour d’aucuns un bilan mitigé, il est aussi indéniable que la longévité de cette organisation est due à son efficacité et à son utilité qui d’ailleurs, lui vaut de décrocher une fois de plus le prix Nobel de la paix 2020 à travers son Programme Alimentaire Mondial (PAM).

Les réalisations et les apports de l’ONU sont gigantesques et couvrent une foultitude de domaines d’interventions. Sur le plan de la paix et de la sécurité, elle a déployé près d’une centaine de missions de maintien, d’observation, de médiation ou de rétablissement de la paix dans de nombreux pays (Libéria, Burundi, Soudan, Mali, Népal, Namibie, Mozambique, etc), elle est engagée dans la lutte contre la prolifération du nucléaire et aussi dans la lutte contre le terrorisme. Sur le plan du développement économique, l’ONU s’est résolument engagée en faveur du développement, de la justice sociale, de l’amélioration des conditions de vie, de l’autonomisation de la femme, de la lutte contre la pauvreté et contre la faim, etc. À travers ses programmes et organismes dédiés tels que les OMD, le PNUD, l’UNICEF, la CNUCED, la banque mondiale, le FIDA, le NEPAD, ONUDI, FAO, ONU-Femmes, etc, elle soutien et encourage les initiatives locales en matières d’entrepreneuriat, d’industrialisation et de développement économique en général. Sur le plan du développement social, elle a contribué à améliorer l’alphabétisation et l’éducation au sein des couches défavorisées. L’UNESCO participe à la protection et à la sauvegarde des biens et monuments culturels de même qu’à la promotion de la diversité culturelle, etc. L’ONU s’est aussi montrée déterminant sur le plan de la protection des droits de l’homme notamment en adoptant dès 1948 la déclaration universelle des droits de l’homme qui est aujourd’hui encore une véritable boussole en matière de promotion de bonnes pratiques démocratiques d’indépendance des peuples, des droits de la femme, du travail décent (OIT), de la liberté de la presse, etc. Sur le plan de l’environnement, l’ONU a été pionnière en matière de solutions mondiales aux problèmes de changements climatiques notamment en apportant des assistances à la fois techniques et financières pour adresser ce challenge qui aujourd’hui nous interpelle tous. Sur le plan de la santé, à travers son Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), elle a largement contribué à la promotion de de la santé maternelle. L’ONUSIDA présent dans de nombreux pays promeut l’accès aux services de prévention et de soins pour barrer et réduire les conséquences liées à la pandémie du VIH-SIDA...

Ces différentes réalisations de l’ONU sont loin d’être exhaustives, il y a bien d’autres terreaux d’interventions tels que le droit des affaires, le droit humanitaire, etc, que nous n’avons pas abordés ci-haut. Mais, au-delà de tout ce qui précède, rendue à ce trois quart de siècles d’existence, l’ONU en tant que organisation se trouve dans la nécessité de se réinventer et de s’adapter au contexte actuel pour pouvoir répondre efficacement aux problèmes qu’il pose, sous le poids des évolutions technologique, économique, politiques et sociale.

Limites et défis de l’ONU aujourd’hui

Comme toute œuvre humaine, l’ONU a ses avantages et aussi, elle présente des limites. Comme limites on peut notamment citer le fait qu’elle n’ait pas effectivement un pouvoir de contrôle et de coercition sur certains États qui semblent échapper à la rigueur et aux règles édictées par sa charte. Ainsi, les attaques des États Unies en Yougoslavie (1999) en Afghanistan, en Irak (2003), etc, sans aval de l’ONU montre bien que face à certaines grandes puissances, elle se retrouve fébrile et assujettie. Cela se justifie d’autant plus que ces grandes puissances sont les principales contributrices de l’organisation. En outre, soixante-quinze ans après, on note que certaines zones du globe telle que l’Afrique n’y prenne pas une part significative à la réflexion et aux décisions qui engagent le continent et le monde (droit de véto). Le droit de véto contribue dans certains cas à paralyser l’action et le déploiement de l’ONU. Cela fait planer des doutes sur la sincérité de cette organisation et laisse croire qu’elle serait un outil de domination et de contrôle entre les mains des pays puissants qui ne la déclenche que pour leurs intérêts personnels. Loin de vouloir la tancer de « machin » comme le fît De Gaulle (1960), il est urgent pour cet outil de se réformer et de se réorganiser pour être plus inclusif et plus intégrateur de toutes les nations du monde, et ne plus être perçue uniquement comme une « grosse machine imparfaite ». On note également une forte bureaucratie et des lenteurs administratives qui ne permettent pas toujours de répondre efficacement aux urgences. Mais au-delà de tout ce qui précède, on peut dire sans se tromper que, l’ONU a encore de longues années de vie devant elle et assurément de nombreux défis qu’il va falloir relever, dans un monde qui change et mute encore plus rapidement qu’hier, posant par-là de problèmes nouveaux.

La seule voie qui offre quelque espoir d'un avenir meilleur pour toute l'humanité est celle de la coopération et du partenariat."

Koffi Annan